Romain CEINOS
La texture de surface d’une dent, particulièrement marquée par les périkématies, est un exemple éloquent de la complexité biologique et de la finesse des structures anatomiques. Les périkématies sont la manifestation en surface des stries de Retzius, des structures internes formées durant l’amélogenèse où les améloblastes alternent entre phases d’activité et de repos, créant ainsi ces stries caractéristiques. Sur une coupe longitudinale, ces lignes de Retzius apparaissent parallèles entre elles. Lorsqu’elles atteignent la surface de l’émail, elles forment des fins sillons horizontaux.
Les périkématies : une microstructure délicate aux répercussions optiques importantes.
Les périkématies sont visibles sur toute la face vestibulaire des jeunes incisives et au niveau des concavités et du collet des incisives adultes. Elles sont disposées parallèlement entre elles et présentent une courbure accentuée au niveau du collet de la dent. Ces lignes légèrement sinueuses et pseudo-périodiques apparaissent plus fréquemment dans la partie cervicale. La profondeur des périkématies est extrêmement fine, n’excédant pas quelques microns (2-5μm). Ces minuscules anfractuosités exercent une influence significative sur la réfraction de la lumière avec une dispersion accrue provoquée par les micro-reliefs. Cet aspect nervuré, lorsqu’il est présent nécessite d’être reproduit minutieusement car il influence grandement la perception visuelle de la restauration et de son intégration au sein du sourire.
Pour imiter la microgéographie horizontale à la surface de la restauration en résines composite plusieurs méthodes sont décrites dans la littérature. L’emploi de fraises diamantées à basse vitesse (ex : 8863.104.012 VPE 5 Komet) montées sur contre-angle bague rouge, de fraises pierre en carbure de silicium (ex : shiny 21 Micerium) ou de mandrin chargé en papier de verre (ex : 318.104 VPE 6 Komet) montés sur contre-angle bague bleue ou bien encore l’utilisation répétée de la pointe d’une lame de scalpel, sont autant d’outils envisageables pour copier les périkématies. Pour autant chacune de ces techniques représente un véritable challenger pour le praticien. L’étape de texturage est ainsi redoutée car elle représente un risque d’endommager la sculpture de la restauration pour un résultat qui s’avère souvent décevant.
L’astuce ici proposée consiste à utiliser non pas une fraise montée sur rotatif mais impactée digitalement. La distribution du geste d’une fraise gros grains maintenue avec les doigts pour rainurer parallèlement la restauration s’en trouve facilitée en l’absence du stress de dégrader la macrogéographie [Fig.1-8].
Fig 1.
Situation initiale présentant des restaurations défectueuses sur 11 et 21.
Fig 2.
Mise en place du champ opératoire et préparations cavitaires à biseaux courts vestibulaires.
Fig 3
Les restaurations sont stratifiées en respectant les épaisseurs amélo-dentinaires (vérification de
l’épaisseur du dernier apport incrémental à la spatule Calibra in-out).
Fig 4.
Dans un premier temps la macrogéographie est travaillée afin de d’obtenir les lignes de transitions adéquates et la segmentation verticales des lobes.
Fig 5.
Une fraise gros grain est impactée avec le doigt sur la surface vestibulaire des restaurations et distribuée de mésial à distal en respectant l’aspect curviligne des incisives. Les aspérités diamantées de la fraise permettent ainsi d’obtenir une texture horizontale aux stries parallèles et ce de façon plus sécure que sur un instrument rotatif et plus rapide que l’action répétée de la pointe d’un scalpel..
Fig 6.
Aspect « griffé » des restaurations après le passage de la fraise gros-grain aux doigts.
Fig 7.
Afin d’éviter un résultat caricatural, la microgéographie est atténuée par endroit à l’aide de polissoir avant que les restaurations ne soient polies puis brillantées.
Fig 8.
Situation finale après réhydratation tissulaire avec une intégration naturelle des restaurations sur 11 et 21.